Les fontaines de mon village

Tous les villages ont une fontaine. Mon village en a carrément 56 ! Si sous le nom générique de fontaines, on recense 338 points d’eau à Genève, rien qu’en Vieille-Ville, mon village si chic, il y en a une cinquantaine, comprenant les bornes à eau en fonte à tête de lion, les fontaines historiques et les vasques médiévales en pierre. Elles sont entretenues par les fontainiers. Oui, c’est un métier à part entière. Il est pratiqué par une poignée de collaborateurs du Service de l'eau, qui dépendent du Département des infrastructures ou plus précisément de l’AGCM, Service de l’aménagement, du génie-civil et de la mobilité de la Ville de Genève. Ce sont eux qui repêchent les feuilles mortes et veillent à leur bon fonctionnement. Les fontaines ne sont pas uniquement décoratives, depuis toujours, elles servent à désaltérer et rassembler. Sources de fraîcheur et d’eau potable, elles sont aussi des lieux de rendez-vous, parfois emblématiques comme la Fontaine de la Place du Bourg-de-four. Les fontaines agrémentent également le quotidien avec leur chant. Car l’eau produit un son rassurant, qui fait autant de bien que le gazouillis des oiseaux. Inspirée par une matinée d’automne aux brumes poétiques, je vous emmène pour une balade au gré des fontaines. 

Si vous arrivez de Genève, de Lausanne ou d’ailleurs, en voiture, le mieux est de vous garer au parking de St-Antoine : à sa sortie, vous serez immédiatement accueillis par une des deux bornes à eau en fonte à tête de lion de la Promenade St-Antoine. Fabriquées par l’usine genevoise Kessler, elles sont apparues en 1843 et se sont répandues en 1860. Pourquoi une tête de lion ? Ce n’est pas une spécificité genevoise, le roi des savanes constitue un motif architectural commun partout en Occident, dès le Moyen-Âge. Les deux premières bornes à tête de lion étaient situées rive droite, à la rue Rousseau et la rue du Temple. Elles sont ensuite arrivées ici et réjouissent les habitants, leurs enfants et leurs chiens, ainsi que les élèves du Collège Calvin, à proximité. En hiver, elles sont protégées par une housse à cause du gel. En règle générale, l’eau des fontaines est coupée de novembre à mars. Puisque vous êtes à St-Antoine, après avoir fait une halte à la première fontaine dont vous avez admiré la parfaite exécution de la tête de lion, profitez-en pour vous dégourdir les jambes au jardin de l’Observatoire, où se trouve une oeuvre scuplturale de Henry Moore.

Maintenant, allons sur la place du Bourg-de-four, où se trouve la fontaine du même nom. La fontaine du Bourg-de-Four représente le seul exemple subsistant d’un modèle ancien, et aucune source ne permet d’attester de l’apparence des fontaines antérieures à la Réforme. Sa partie haute aurait été construite vers 1570. Le pilier central est surmonté d’un haut vase d’où jaillissent des fleurs et un artichaut. La date de 1817, gravée sur son socle, correspond à celle d’un chantier de réfection. Car plusieurs maîtres-maçons sont intervenus sur cette fontaine au fil des Siècles et elle a été classée en 1921.

Se balader d’une fontaine à une autre, c’est découvrir mon village avec un fil rouge et une attention particuliere. Le regard est porté vers des beautés du passé, avec leurs détails sculpturaux, qui embellissent encore notre quotidien. La plupart des fontaines sont alimentées en eau potable et quand ce n’est pas le cas, c’est mentionné. Il suffit de regarder la petite plaque en métal, qui est apposée dessus : bleue pour l’eau potable, et rouge pour l’eau non potable, comme celle de la fontaine de la Place du Grand-Mézel. Ceci concerne surtout les monuments. Car les bornes à tête de lion sont toujours alimentées en eau potable.

Puisque nous l’avons évoquée, regardons de plus près l’élégante Fontaine de la Place du Grand-Mézel. Ici aussi on retrouve les têtes de lions, comme sur ses modestes cousines en fonte. Cette fontaine, comme celle de la Place du Bourg-de-four, a été classée en 1921. Quand un concours fut ouvert pour le projet d’une nouvelle fontaine sur cette place en 1844, le Conseil municipal de l’époque accepta le projet de l’architecte Joseph Collart (1809-1894), qui a construit l’Hôtel Métropole à Genève. L’artiste Louis Dorcière (1805-1879) fut désigné pour les parties sculptées. En 1845, la fontaine est achevée. Au sommet, on voit un chapiteau qui porte des coquilles Saint-Jacques et quatre dauphins aux queues dressées. Avant d’arriver à cette fontaine, vous pourrez admirer la jolie Fontaine du Perron, construite en 1831 d’un auteur inconnu sur le site d’un ancien puits, ensuite la petite Fontaine de la Grand-Rue, adossée à la façade du numéro 21. A partir de la Place du Grand-Mézel, remontez la rue des Granges, car vous y découvrirez sur la gauche, une fontaine presque cachée, discrète mais pleine de caractère : la Fontaine de Saint-Germain, adossée contre l’actuelle sacristie de l’Eglise du même nom. Le devant du bac est orné des armoiries de Genève et le bec à eau a une forme de dragon.

A la sortie de la rue des Granges, tournez à droite, pour admirer la fontaine adossée au Café Papon, avec sa généreuse vasque arrondie. Puis tournez à gauche et descendez jusqu’au pont qui marque la fin de la Vieille-Ville, ou l’entrée de celle-ci si vous venez des Bastions : vous y verrez la Fontaine de la rue Saint-Léger. En 1537, le Conseil décida d’installer cette fontaine entre la porte médiévale et l’accès sur la nouvelle ligne de fortification, côté Sud. Il y a d’autres fontaines prêtes à enchanter le promeneur. Celles citées ici n’étant qu’un aperçu pour vous inviter à visiter la Vieille-Ville avec pour seuls guides ces fontaines historiques, car leur vénérable présence enrichit l’âme et fait battre les coeurs.

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