L’épicerie de mon coeur
Les Genevois vont à la Migros, à la Coop ou chez Lidl, les habitants de mon village, eux, vont chez Christian, l’épicier de la rue Chausse-Coq. Il est secondé par son épouse Anna, soutien précieux dans le magasin et pour la partie administrative, qui l’a rejoint il y a quatorze ans après avoir élevé leurs deux enfants. Ce couple incarne la chaleur humaine propre à un commerce de proximité ainsi que la nécessité de préserver les commerces de proximité. Car en plus de contribuer au lien social, ils font rimer produits avec local et quotidien avec confort. Il suffit de sortir avec son panier et faire ses emplettes ! Bien sûr, si vous habitez à côté d’une grande surface, vous pouvez également sortir avec votre panier, l’accueil, le dialogue, les conseils et le charme en moins. C’est chouette de pouvoir faire son marché à quelques mètres de chez soi en trouvant ces plus qui font la différence. Venir faire ses courses ici, ce n’est pas seulement éviter les bruits, le chaos et le stress de la ville, les problèmes de parcage et les têtes désagréables aux caisses, c’est aller dans un lieu rassurant, qui a une âme. Je ne connais pas les prénoms des vendeurs de la Migros ou de la Coop, ils ne me disent jamais “Essaye ce vin, tu m’en donneras des nouvelles”, ils ne m’offrent jamais une orange en hiver le matin quand je passe dans la rue, et ils ne me demandent jamais si mes chiens sont en forme. Chez Christian et Anna, on a l’impression de venir chez un couple d’amis.
Christian, le plus Fribourgeois des Genevois, arrivé bambin à l’âge de 2 ans à Genève, et son épouse Anna, d’une sympathie digne de son Italie natale, rendent nos courses et notre quartier plus vivants. Dans leur épicerie, on croise ses voisins de palier et le microcosme de la Vieille-Ville, qui mêle élite financière, fonctionnaires - le Palais Eynard est en bas de la rue et le Palais de Justice quelques mètres plus haut, et secteur tertiaire. Christian, 57 ans, a ouvert l’épicerie de la rue Chausse-Coq il y a trente-trois ans, ce qui fait de lui une mémoire vivante de mon village. Il connaît certains habitants depuis autant d’années : “Il y a des familles dont je connais les trois générations, des grand-parents aux petits enfants”. La fidélité des clients est réelle. Elle s’explique par plusieurs facteurs : l’absence de supermarché en Vieille-Ville et donc l’importance d’avoir un commerce de proximité avec une telle variété de produits, plus de 6000 références, ce qui est énorme pour une épicerie, et surtout l’aspect humain avec un accueil personnalisé et l’incursion de produits artisanaux et locaux de qualité, comme les charcuteries et viandes Bigler, une maison familiale helvétique qui a le sens de l’excellence depuis 75 ans, les soupes saines et colorées de Côté Jardin, la marque des maraîchers genevois, les miels bio de Stéphanie, l’apicultrice de Veyrier, ou les vins genevois, comme ceux du Domaine de la Mermière à Soral. Autant de produits choisis avec soin par Christian.
Les mauvaises langues diront que c’est plus cher d’aller à l’épicerie. Les épicuriens leur répondront qu’un franc de plus dépensé pour mieux manger n’est pas un franc de perdu. Et puis, ici, pour les petites bourses, il y a aussi les produits Casino aux prix imbattables, inutile d’aller en France ! Sans parler des actions du lundi où on fait des super affaires avec des produits de marques célèbres. Vous aimez les mouchoirs Kleenex ? Les sauces tomates Mutti ? Le café La Semeuse ? Guettez les actions du lundi, votre porte-monnaie n’en reviendra pas. Mis à part la proximité, l’utilité, les produits, l’accueil et le plaisir de papoter, cette épicerie indépendante vaut vraiment le détour pour les fruits et les herbes aromatiques. Simplement excellents. Anna a un faible pour leurs melons et il y a de quoi, Christian craque pour les Reine-Claude : “Elles viennent vraiment de Tarn et Garonne. J’ai à coeur que les fruits viennent de leur région d’origine”.
Personnellement, je suis fan de leurs herbes aromatiques, carrément exceptionnelles. A part le samedi au marché de Rive, chez certains maraîchers établis, impossible de trouver de meilleures herbes à Genève. Sans parler du rapport qualité prix défiant toute concurrence : CHF 1,50.- pour un bouquet généreux. Parfumées, savoureuses et fraîches, les herbes sont livrées chaque matin, sauf le samedi, par Léon, le maraîcher avec lequel Christian travaille avec fidélité depuis trente-trois ans. En plus, on a l’embarras du choix : persil plat, persil frisé, coriandre, aneth, menthe, ciboulette, basilic. De quoi sublimer toutes sortes de recettes, salades, poulet, poisson ou pâtes. Et de quoi faire le plein de bienfaits car les herbes aromatiques, quand elles sont aussi fraîches, regorgent de vitamines A et C, excellentes pour la vue, la peau et le système immunitaire. Jamais, je n’ai vu des bouquets pareils. Sauf dans mon village, à l’épicerie de mon coeur.
Epicerie de Christian Jaquier, 4, rue Chausse-Coq en Vieille-Ville de Genève
Ouverte du lundi au vendredi de 09h00 à 19h00 et le samedi jusqu’à 18h00