Grégoire l’enchanteur

A Genève, il y a ceux qui vont chez Cartier ou Tiffany pour les bagues de fiançailles, chez Pomellato ou Messika pour les anniversaires, dans mon village, on va chez lui ! Sans parler de ceux qui font transformer un bijou de famille chez lui. Lui ? C’est Grégoire, 48 ans, connu comme le loup blanc au village, car il arrive chaque matin bien concentré sur son vélo, prêt à faire naître des trésors dans son atelier. De la dentelle précieuse. D’ailleurs, cet atelier côté cour, dans la pénombre de la grisaille genevoise, a tout d’un tableau de Vermeer. Surtout quand Grégoire passe des heures penché sur son établi, avec des outils qui n’ont pas changé depuis des Siècles. Ombres et lumières. Côté rue, sa boutique affiche une décoration minimaliste trendy, avec les codes du genre, spots et camaïeux de beiges, qui laissent les diamants briller dans les vitrines. Un décor contemporain, qui avait même séduit Fulvio Bernasconi, le réalisateur de la prestigieuse série “Quartier des Banques” diffusée sur la RTS : il a tourné des scènes ici. Lorsque j’arrive, notre artisan est en train de réaliser une bague de fiançailles, qui sera sertie d’un saphir Ceylan ovale, choisi avec grand soin dans la sélection proposée par un marchand de pierres qui le fournit. Il lime et frotte le métal, sort les cabrons d’un tiroir pour adoucir les rayures de la lime avant le polissage. Des gestes précis, des mouvements ancestraux. L’envers du décor semble être là depuis aussi longtemps que la Vieille-Ville.

Les commandes les plus importantes en nombre sont les bagues de fiançailles. Grégoire réalise chacune d’entre elles à la main. Du vrai sur mesure. Il confirme que “les hommes viennent seuls pour la choisir, avec un désir réel de surprendre leur compagne et je les accompagne dans le processus de choix, de la pierre à la monture”. Est-ce qu’ils viennent avec des photos découpées dans les magazines pour expliquer ce qu’ils veulent ? “Quand il y a des mariages royaux, cela peut arriver, car ces événements ravivent la mode de certains modèles ou de certaines pierres, comme le saphir”. Cela tombe bien, c’était la pierre de la bague de fiançailles de Lady Di, aujourd’hui portée par la princesse Kate, dont les images ont fait le tour de la planète et qui m’a fait rêver. Le saphir, pierre apaisante, adopte les nuances de l’océan et symbolise la sagesse. Le saphir est également la pierre préférée de Grégoire, en particulier un saphir inattendu : le Padparadscha, une gemme aux nuances étonnantes, qui au lieu de sublimer les bleus, va de la couleur pêche à l’orangé. 

Une des ravissantes bagues de fiançailles en diamants réalisées par Grégoire

Quand il évoque le Padparadscha, la flamme qui l’habite surgit. Cet artisan du signe du Lion est d’ailleurs capable, en digne signe de feu, de prendre des décisions radicales de manière impulsive. Comme celle de devenir bijoutier. Après avoir réussi brillamment sa Matu et entamé des études de médecine, il plaque l’Université car il veut travailler avec ses mains ! Surprise de son entourage. Ce sera la bijouterie. Pas exactement les HUG… Il écoute son coeur et sa bonne étoile lui sourit : il décroche un apprentissage chez Chopard, où il restera quatre ans. Après avoir pris son envol en indépendant, il y a 17 ans, il s’installe à la rue Etienne-Dumont où débute son histoire d’amour avec la Vieille-Ville.

Une première arcade, puis deux, côte à côte. Trois arcades en enfilade plus tard, la visite continue de s’imposer. Car en plus d’être de bon conseil et capable d’une exécution de grande qualité, Grégoire propose des modèles raffinés à la vente, qui s’adressent à toutes les générations de femmes. Dans son bel écrin beige, il fait tout : création, réparation, transformation, mise en place et vente. Il avoue avoir aussi envie de se remettre à la création libre, hors des commandes qui l’occupent chaque jour, depuis qu’il héberge Chloé, 24 ans, jeune créatrice dont il soutient le talent, en lui accordant un espace pour travailler. Une attitude altruiste et protectrice rappelant les us et coutumes du compagnonnage médiéval.

En attendant les créations à venir de ce tandem fraîchement formé, les vitrines se parent de bijoux à la page, comme ce bracelet en or blanc avec une marguerite stylisée sertie d’un diamant, qui fera battre le coeur des fashionistas amoureuses des Seventies, à CHF 1’500.-. Pour la petite émeraude montée en bague qui me fait de l’oeil, il faut CHF 3’100.-. Mais, mon gros coup de coeur est une extraordinaire agate paysage, sertie de diamants et montée en pendentif. Cette pièce unique met en valeur un phénomène rare et surprenant de la Nature, qui fait naître à la surface de la pierre précieuse un motif ressemblant à une scène champêtre. Une miniature naturelle. Le prix, chut, est à la hauteur de la rareté. L’émerveillement, lui, est gratuit. A voir absolument si vous passez par mon village qui ne serait pas aussi chic sans Grégoire l’enchanteur.

Grégoire Joaillerie

8, rue Etienne-Dumont, 1204 Genève, du mardi au samedi dès 11h00.

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